La
légèreté, elle est partout, dans l’insolente fraîcheur des pluies
d’été, sur les ailes d’un livre abandonné au bas d’un lit, dans la
rumeur des cloches d’un monastère à l’heure des offices, une rumeur
enfantine et vibrante, dans un prénom mille et mille fois murmuré comme
on mâche un brin d'herbe, dans la fée d’une lumière au détour d’un
virage sur les routes serpentines du Jura, dans la pauvreté tâtonnante
des sonates de Schubert, dans la cérémonie de fermer lentement
les volets le soir, dans une fine touche de bleu, bleu pale,
bleu-violet, sur les paupières d’un nouveau-né, dans la douceur d’ouvrir
une lettre attendue, en différant une seconde l’instant de la lire,
dans le bruit des châtaignes explosant au sol et dans la maladresse d’un
chien glissant sur un étang gelé, j’arrête là, la légèreté , vous voyez
bien, elle est partout donnée. Et si en même temps, elle est rare,
d’une rareté incroyable, c’est qu’il nous manque l’art de recevoir,
simplement recevoir ce qui nous est partout donné.
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