mardi 10 janvier 2012

Alain Petitjean (Sémaphores) : « La crise pousse les collectivités locales à soutenir leurs entreprises industrielles traditionnelles »

Depuis 25 ans, le cabinet Sémaphores conseille les collectivités locales en matière économique. Il a publié en novembre 2011 la deuxième édition de l’Observatoire de l’action économique régionale, en partenariat avec l’Association des régions de France (ARF). Regards sur la crise avec Alain Petitjean, son fondateur.

Les collectivités locales ont-elles un rôle à jouer dans cette vague de désindustrialisation ?

J’observe que les territoires ont depuis dix ans mené des démarches intéressantes en matière économique. Les régions se sont par exemple approprié les démarches de pôles de compétitivité et de clusters en cofinançant les budgets de manière efficace avec l’Etat.
En revanche, cette implication a accentué un tropisme régional qui est de soutenir quasi-exclusivement la high-tech, l’innovation et les secteurs de pointe. Or, ces secteurs ne représentent que 15 % de l’économie.
Le fait de ne pas aider suffisamment les entreprises industrielles traditionnelles est un suicide collectif pour l’emploi. C’est l’industrie qui crée de l’emploi. Le textile, par exemple, renait de son déclin avec les tissus « intelligents ».
Le secteur du bois, donné pour mort, est à nouveau porteur.
Il ne faut pas abandonner le cœur d’une filière, sinon il n’y aura plus de jeunes pousses. L’impact positif de la crise est que les collectivités locales prennent conscience de cette réalité et reviennent à des aides aux PME pas forcément high-tech mais créatrices d’emplois, dans la métallurgie, les ossatures bois, etc.
Il ne s’agit pas de ne plus aider l’innovation mais de ne pas oublier le tissu des entreprises industrielles.

Les collectivités locales ont-elles les moyens de s’impliquer dans la revitalisation de leurs bassins d’emplois fragilisés ?

Non, les lois n’impliquent pas suffisamment les territoires. En ce qui concerne les obligations de revitalisation de certaines entreprises qui ferment leur site, inscrite dans la loi de programmation pour la cohésion sociale en 2005, les conventions de revitalisation des bassins d’emplois ne prévoient pas d’associer les collectivités locales.
Cela se fait parfois, souvent à l’initiative du préfet, mais pas toujours. Certains territoires, comme Rennes, se sont emparés du sujet avec la création du fonds de revitalisation d’Ille-et-Vilaine, impliquant la région, l’agglomération et le département, animé par Idea 35.
Mais c’est un exemple assez rare.
Il ne faut pas oublier que la loi Raffarin de décentralisation en 2004 donne uniquement aux régions un rôle de coordinateur. En outre, les régions ne sont pas équipées en ressources humaines en matière économique.
Elles ont donc défini une gamme d’aides aux PME orientées vers l’idée de guichet. C’est une erreur. La PME n’a pas le temps d’aller chercher des aides.
Certaines collectivités ont compris qu’il fallait identifier et solliciter ces PME pour mieux les aider. C’est le cas de l’Ile-de-France, avec le programme Pm’Up en 2008, qui est basé sur des appels à projets, avec l’intervention de cabinets privés pour monter les dossiers et une aide globale assurée sur trois ans.

Les régions multiplient les fonds de capital-risque pour répondre au besoin de financement des entreprises. Cela va-t-il dans le bon sens ?

Le fait qu’elles aient renforcé leurs outils de capital risque et de capital développement est une bonne chose mais cela ne permet pas de couvrir le besoin de toutes les PME.
En effet, le capital-risqueur doit miser au moins 300 000 euros pour que cela soit intéressant. Beaucoup de petites entreprises n’ont pas de projets de cette envergure. Par ailleurs, le capital-risque est pro-cyclique, c’est-à-dire qu’il est dynamique quand l’économie l’est.
Les capitaux-risqueurs ont diminué de moitié leurs investissements pendant la crise par manque de projets. Dans cette période, les prêts participatifs sont plus efficaces.

De quelles façons les territoires pourraient-ils être plus pertinents dans leur soutien au tissu industriel local ?

Le profil moyen d’une entreprise en croissance, c’est en général une PME de 25 personnes qui a le projet de créer 13 emplois. Le point-clé de l’intervention des territoires se situe à cette étape.
La région Rhône-Alpes par exemple est une des mieux équipées en matière économique. Son programme d’aides est assez large et permet de couvrir tous les besoins (immobilier, investissement matériel, contrat de filière, etc.).
La Loire-Atlantique bénéficie d’une bonne capacité des acteurs privés et publics à travailler ensemble. La Basse-Normandie a compris aussi la nécessité d’interventions rapides et ciblées, au travers de son dispositif Contrat de relance économique territorial pour l’emploi (Crete).
Je vois aussi de plus en plus de régions qui créent des directions communes de l’emploi et du développement économique. C’est un axe de progrès. Cela leur permet d’aller à la rencontre des PME pour connaître leurs besoins en ressources humaines et leurs plans d’emplois.

euxième édition de l’Observatoire de l’action économique régionale -Novembre 2011

www.lagazettedescommunes.com

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