mercredi 3 août 2011

La nuit / Extrait de "On est là mais !a ne durera pas, on peut toujours sourire du reste"

Tout ce que j’avais à faire alors c’était m’ouvrir, m’offrir sans rempart à ce qui surgissait. Et tout était puissant, violent et déchiré. Rien de ce qui arrivait n’arrivait doucement. Des paquets de mer, des orages, des vents tournoyants. Des pluies torrentielles. Et quand elles ne l’étaient pas c’était du crachin à se flinguer, à tout laisser de désespoir. Parfois, cependant, les nuages se retiraient, laissant place à la lumière, mais ça ne durait jamais longtemps, et puis ça brillait trop fort, noyant le monde dans une blancheur aveuglante où tout brûlait. Il n’y avait pas de milieu, pas de petit compte ; la nuit c’était comme ça, cash. Un tumulte de songes et de rêves mêlés charriés par des fleuves en crue. Un grand poème épuisant, fantasque, ébouriffé, hirsute, traversé de folles énergies et impossible à écrire parce que les mots n’en raconteraient jamais que l’écume. Une histoire du dessous aussi, du ventre de la terre d’où remontaient des morts poussés par leurs regrets. Ils traversaient les murs de ma chambre puis s’asseyaient pour parler de leurs échecs. Ils se lamentaient de n’avoir su saisir leurs existences, d’avoir raté leur séjour ici-bas. Et toujours ils me demandaient si par bonté quelqu’un de ma connaissance qui en aurait le pouvoir et dont ils ignoraient le nom ne pourrait pas leur accorder une nouvelle chance pour prouver ce qu’ils étaient capables de faire, maintenant qu’ils savaient. Je les priais de me pardonner mais je n’avais personne dans mes relations qui puisse réaliser leur souhait. Dépités, ils s’évanouissaient doucement dans la nuit et j’entendais quelques instants encore leurs paroles désolées s’éloigner avec eux dans cette odeur de forêt humide qu’ils laissaient à leur traîne.

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